Partie I : De la Sologne à la Touraine
Nos visites en Val de Loire ont débuté en Sologne le 6 juillet et se sont terminées dans le Saumurois. Voici une petite rétrospective de nos (belles) rencontres avec les vignerons en biodynamie et en vins naturels.
Le domaine des Huards, situé à Cour-Cheverny, dans le Loir-et-Cher (oui, comme dans la chanson de Delpech !) est en biodynamie depuis 1998. Il compte 30 hectares au total et ce n’est pas vraiment un hasard si nous l’avons choisi. Bien au contraire. Selon nos sources, c’est dans ce terroir (et nulle part ailleurs) que l’on trouverait le cépage romorantin. C’est donc dans l’idée d’en apprendre davantage que nous avons questionné le propriétaire de l’exploitation, M. Gendrier.
Au fil de notre promenade dans les vignes, il nous a expliqué qu’il consacre 10 ha exclusivement à ce cépage de caractère dont il est très fier. On le reconnaît facilement grâce à ses feuilles à la forme arrondie et à ses rameaux de couleur rouge (photo ci-dessus).
Autre rareté du domaine : ses vieilles vignes dont les plus anciennes ont été plantées en 1922 et approchent les 100 ans ! Une visite passionnante durant laquelle nous avons beaucoup appris.
Notre coup de coeur :
la cuvée « François 1er vieilles vignes« , 100 % romorantin, parce qu’elle a su nous charmer avec ses notes de fruits frais et son élégance ;
Le saviez-vous ?
Pour la petite histoire, c’est François 1er qui, en 1518, aurait fait planter 60 000 pieds du cépage romorantin, originaire de Bourgogne. À l’époque, le roi résidait à Romorantin, ville située au coeur de la Sologne, d’où le cépage tient son nom. On dit qu’il serait un croisement entre le Pinot noir et le Gouais.
Contact :
Domaine des Huards
Voie des Huards – 41700 Cour-Cheverny
Tél. : 02 54 79 97 90
Pour notre seconde visite, nous nous sommes rendus à Amboise, charmante ville bordant la Loire, réputée pour son château et abritant la tombe de Leonard de Vinci. Outre cet aspect culturel fort intéressant, nous avons cherché à découvrir le terroir et les appellations Montlouis sur Loire, Touraine et Amboise.
Cet après-midi-là, il fait une chaleur étouffante. À peine descendus de notre monture, nous suffoquons déjà. La moto a trouvé place à l’ombre du bâtiment d’accueil du domaine. Nous attendons Coralie, notre personne de contact, avec la plus grande impatience. Cette dernière arrive enfin et c’est avec soulagement que nous nous réfugions dans la salle de dégustation à la température nettement plus supportable.
Les présentations faites, Coralie nous explique que c’est en 2002 que Damien, son compagnon, a repris le domaine familial de 15 hectares. Originaire de Strasbourg où elle a suivi une formation en biologie, Coralie a ensuite choisi de s’orienter vers la viticulture et d’effectuer une formation d’oenologue à Bordeaux où elle fait la connaissance de Damien. L’année 2008 marque l’arrivée de Coralie sur le domaine et avec elle, la création de la cuvée « Quatre mains ». Le duo est passionné de vin bien sûr, mais aussi de musique.
Damien pratique la clarinette et Coralie donne de la voix dans un choeur de gospel (tiens, un joli point commun entre nous).
« La musique est comme le vin, elle procure une véritable émotion sans que l’on se rende compte du travail qu’elle représente en amont. »
Ce n’est donc pas un hasard si le logo ainsi que le nom des cuvées du domaine sont tous étroitement liés à la musique à l’instar de bécarre ou encore de Ad Libitum.
Notre coup de coeur :
Le côt vieilles vignes 2016, 100 % côt (malbec) issu de ceps centenaires ! Une température de service de 18º permettra de réveler la finesse des tannins et l’arôme de fruits noirs propre à ce cépage. Un délice !
Le saviez-vous ?
Le bécarre, terme dérivé de l’italien bequadro qui faisait référence au si naturel au Moyen-Âge (b quadratum), indique qu’il faut jouer la note naturelle, annulant ainsi les dièses et les bémols.
Contact :
Domaine La Grange Tiphaine
Lieu-dit La Grange Tiphaine
F – 37400 Amboise
Tél. : 02 47 30 53 80
Le domaine suivant se trouve dans la village de Vernou-sur-Brenne, en Indre et Loire. Nous nous sommes cette fois-ci intéressés à l’appellation Vouvray dont la particularité est de ne faire intervenir qu’un seul cépage emblématique : le chenin.
La semaine de notre visite fut synonyme de travail intense dans les vignes en raison de l’épidémie de mildiou qui a sévèrement touché la plupart des vignobles de Touraine. C’est donc pour cette même raison que nous n’avons pas pu faire la visite avec Vincent Carême lui-même. C’est Claire, une jeune recrue en charge de l’accueil et des dégustations qui nous a reçu avec enthousiasme et dans la bonne humeur afin de nous parler de la philosophie et des vins du domaine. Vincent Carême s’est installé en 1999 sur le domaine et a fait le choix de la viticulture biologique en 2007. Le domaine de 15 ha est situé face aux coteaux de Montlouis et bénéficie d’un terroir et d’un micro-climat exceptionnel.
Comme c’est le cas tout au long de la Loire, le domaine possède de magnifiques caves troglodytes creusées dans la pierre de tuffeau, elle aussi caractéristique de la région.
La salle de dégustation est petite, mais extrêmement chaleureuse. À l’entrée, on découvre un joli bar en bois et une superbe cheminée en pierre pourvue d’un four à pain toujours utilisé. Claire est passionnée et la dégustation est des plus agréables en sa compagnie.
Notre coup de coeur :
La cuvée « Le clos » 2016 (inutile de préciser qu’il s’agit de chenin 100 %) offre une belle intensité avec des notes de fruits tels que la mandarine ou le coing. Terroir argilo-calcaire et parcelle travaillée au cheval.
Le saviez-vous ?
Contrairement à ce que l’on pense, le Vouvray n’est pas uniquement synonyme de bulles ! S’il est vrai que le cépage chenin a une tendance à prendre facilement la mousse, il permet également de produire une palette très variée de vins allant du pétillant au sec ou encore au liquoreux.
Contact :
Vincent & Tania Carême
1 Rue du Haut Clos
F – 37210 Vernou-sur-Brenne
C’est l’histoire d’un couple qui décide de plaquer sa vie d’avant pour se lancer dans l’aventure viticole. Après une solide formation, le duo formé par Quentin et Angélique alias le Sot de l’Ange, reprend un domaine de 15 ha, situé sur la commune d’Azay-le-Rideau. Ce dernier fait partie de la micro-appellation Azay-le-Rideau qui représente une centaine d’hectares au total. Le terroir est essentiellement constitué d’argiles à silex.
La vigne est travaillée en bio depuis 2002, mais lorsqu’il reprend l’exploitation en 2012, le couple souhaite aller plus loin et surtout produire des vins « de plaisir », d’où son choix pour la biodynamie. Les élevages sont réalisés dans divers contenants (cuves béton de forme ovoïdale, cuves tronconiques en chêne ou encore amphores). Quentin nous précise que les parcelles sont complantées c’est-à-dire constituées de plusieurs cépages différents.
Côté encépagement, on retrouve évidemment le chenin, le cabernet franc et un cépage un peu moins connu, le grolleau de Cinq-Mars ou grolleau noir, endémique dans ce terroir. Le couple produit une large gamme de vins du pétillant au moelleux.
Notre coup de coeur :
La cuvée baptisée « Sottise bulles » 2015, 100 % grolleau de Cinq-Mars mêlant douceur et fraîcheur avec des notes de framboise des plus agréables. Parfait pour un apéritif en terrasse ou pour accompagner un bon fromage de chèvre de Touraine. Il s’apprécie à une température comprise entre 8 et 10ºC.
Le saviez-vous ?
Le terme grolleau provient de la couleur noire du raisin que l’on comparait à une « grolle », une corneille en vieux français. Quant au grolleau de Cinq-Mars, il doit son nom à Cinq-Mars-la-Pile, commune située près de Tours, d’où il est originaire. Il est apparu autour de 1870.
Contact :
Le Sot de l’Ange
68 route de Langeais
F- 37190 Azay-le-Rideau
Tél. : +33 6 28 49 74 18
Nous voici dans une tout autre appellation, celle de Chinon, autre terroir de Touraine imprégné d’histoire. C’est au Domaine de Noiré, situé sur la commune de Chinon que nous avons rencontré Jean Max Manceau. Certifié bio depuis 2011, le domaine s’étend sur 17 ha et présente trois types de terroirs : des argiles à silex, des graves et des côteaux calcaires. Cette belle diversité associée à un micro-climat exceptionnel offrent une grande richesse aromatique au vins produits ici.
« C’est le pays de la rose des vents, la limite entre le climat océanique et continental », nous précise Jean-Max.
L’AOC Chinon, créée en 1937, est synonyme de cabernet franc. Le domaine travaille également avec le chenin notamment pour réaliser sa cuvée prestige intitulée « amphora ».
L’élevage est réalisé en barriques de chêne merrain de 400 litres ou en amphore de terre cuite selon les cuvées.
Notre coup de coeur :
La bien-nommée cuvée « caractère » 2014, 100 % cabernet franc. Elevage en barriques pendant 13 mois. Terroir de calcaire de tuffeaux. Raisins issus de vieilles vignes de 45 à 70 ans. Belle aromatique de fruits noirs, notes cacaotées et légèrement épicées.
Le saviez-vous ?
Le chinon blanc est une rareté car il ne représente que 3 % de l’encépagement de l’appellation et une production de 2000 hectolitres par an.
Contact :
Domaine de Noiré
160, rue de l’Olive
37 500 Chinon
Tél. : +33 (0)2 47 93 44 89
Toujours dans l’appellation chinon, nous avons eu la chance de rencontrer un pionnier de la biodynamie en Touraine. Créé en 1987, le domaine, situé sur la commune de Cravant les Coteaux, compte environ 17 hectares. Il est certifié agriculture biologique et biodyvin depuis 2005 (autre certification de la biodynamie avec Demeter).
À notre arrivée aux alentours de 14h, Pascal, d’abord surpris d’entendre le détail de notre projet aussi ambitieux que fou (tant que ça ?!), décide de commencer par la visite des vignes situées non loin du chai. Ce vigneron passionné nous parle longuement de son métier, de sa terre, mais aussi des maladies cryptogamiques telles que le mildiou qui a affecté de nombreuses parcelles dans la région cette année en raison d’une météo parfois digne de contrées tropicales. Pascal est un grand bavard, c’est du moins ce que nous allons rapidement comprendre ! Après avoir fait le tour des installations du chai dans lequel nous avons pu découvrir les différents contenants utilisés (cuves béton ovoïdes en forme de diamant, cuves tronconiques ou en résine), nous sommes conviés à une « séance » de dégustation. Déjà conquis par les premiers nectars servis, nous sommes rejoints par un charmant couple de Québécois. Lui, passionné d’oenologie et des bons vins de Loire (comme nous, ça tombe bien) est un grand admirateur du travail de Pascal qu’il considère, à juste titre, comme le maître.
« Quelle chance nous avons », répète-t-il avec son accent si attachant.
Dans une ambiance des plus conviviales et alors que nous buvons littéralement les précieuses explications et les détails fournis par Pascal, nos cousins d’Outre-Atlantique constatent qu’il est 20 heures et qu’ils doivent se rendre à leur maison d’hôte pour dîner. L’adorable couple se résigne donc à partir. La nuit tombe bientôt sur le domaine. Songeant nous aussi à rentrer, Pascal insiste pour nous garder à dîner ! Comment refuser le succulent repas concocté par Béatrice, son épouse ? « C’est très simple et avec des produits du jardin ! » ajoute-t-elle. Simple mais bon comme on aime en somme.
En résumé, la petite visite que nous avions entamé à 14h s’est finalement terminée à 23h ! Des moments inoubliables avec des gens d’une extrême gentillesse que nous ne sommes pas prêts d’oublier.
Notre coup de coeur :
En rouge, et même si le choix est cornélien, nous avons adoré la cuvée 100 % cabernet franc intitulée « Les puits Danaé » 2014. Finesse et élégance avec ses belles notes de fruits mûrs.
Le saviez-vous ?
Les cuves diamant ou ovoïdes (en forme d’oeuf) ont été réalisées sur le modèle de vases vinaires datant de l’Antiquité. Employées pour la fermentation, elles présentent un intérêt certain pour l’élevage des vins. En effet, de par leur forme, elles permettent une suspension des lies en créant un vortex tout en limitant l’intervention humaine et les doses de sulfites. Les vins réalisés sont plus fins et plus précis.
Contact :
Domaine Pascal & Béatrice Lambert
Lieu-dit Les Chesnaies
37500 Cravant les Coteaux
Tél. : 02 47 93 13 79
Domaine Sébastien David
Etablie à St-Nicolas-de-Bourgueil, la famille de Sébastien David fait du vin depuis 1634 ! Le domaine s’étend sur 15 hectares, mais Sébastien en a repris seulement 5 qu’il a convertis en bio. Comme le veut l’AOC, on y cultive un seul cépage : le cabernet franc. Mais ne vous y trompez pas, si le cépage peut sembler classique et monotone, Sébastien, lui, est un vigneron hors normes.
Lors de notre venue, c’est Lina, son assistante, qui nous a fait la visite guidée des superbes caves troglodytes. Une véritable caverne d’Ali-Baba qui renferme pas moins de 1000 caves ! Nous avons emprunté un long chemin tortueux dans l’obscurité et la fraîcheur de ce lieu emprunt de mystère et d’histoire. Nous voici dans l’antre du maître : c’est ici que Sébastien teste, goûte et adapte sans cesse afin d’obtenir ce qu’il veut vraiment. Pour ce faire, il expérimente différentes techniques de vinification : de la traditionnelle barrique bourguignonne en passant par les amphores italiennes en terre cuite (suspendues ou posées au sol), les oeufs en grès ou encore les cuves béton ovoïdes de Nomblot, il ne manque pas d’imagination !
Evidemment toutes les vinifications sont réalisées sans ajout de soufre et dans les règles de l’art de la biodynamie. Lina nous précise que les vendanges sont effectuées à la main et en caissettes.
Autre spécificité, chaque bouteille a une forme rigolote et porte un nom original suivant l’inspiration et l’humeur du vigneron. Exemple parmi les cuvées que nous avons eu la chance de goûter : l’Hurluberlu, le Kézako ou encore le Vin d’une oreille !
Notre coup de coeur :
La cuvée intitulée « Vin d’une oreille« , millésime 2014, 100 % cabernet franc ; seul vin dont l’élevage se fait en barrique durant 36 mois. L’objectif est ici de ne pas marquer le vin. Bon équilibre entre fraîcheur et maturité et de jolis arômes de fruits noirs. Garde conseillée pour l’apprécier encore plus.
Pourquoi ce drôle de nom ? L’expression remonterait au XVIIe siècle. À cette époque, un vin d’une oreille est un bon vin. En effet, lorsque l’on appréciait un vin, on penchait la tête d’une oreille en signe d’approbation et on la secouait au contraire quand le vin était jugé mauvais (donc de deux oreilles).
Le saviez-vous ?
Une vinification réalisée dans une amphore en grès permet d’atténuer encore davantage les tannins du vin. Autre différence avec la terre cuite, le grès est beaucoup moins poreuse.